CJUE, 8 sept. 2016 – Liens hypertextes et droit d’auteur : précisions jurisprudence Svensson

 

 

CJUE, 8 sept. 2016, aff. C-160/15, GS Media BV contre Sanoma Media Netherlands BV, Playboy Enterprises International Inc., Britt Geertruida Dekker.

 

La Cour de Justice décide que :

  • L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que, afin d’établir si le fait de placer, sur un site Internet, des liens hypertexte vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site Internet sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, constitue une « communication au public » au sens de cette disposition, il convient de déterminer si ces liens sont fournis sans but lucratif par une personne qui ne connaissait pas ou ne pouvait raisonnablement pas connaître le caractère illégal de la publication de ces œuvres sur cet autre site Internet ou si, au contraire, lesdits liens sont fournis dans un tel but, hypothèse dans laquelle cette connaissance doit être présumée.

Cette décision fait suite à l’arrêt Svensson rendu le 13 février 2014 (aff. C-466/12), par lequel la Cour de Justice avait déjà retenu la qualification de « communication au public » pour un lien hypertexte donnant prise au droit d’auteur, mais dont l’application avait été écartée en l’absence d’un « public nouveau ».

Par ce nouvel arrêt, la Cour de justice entre dans plus de subtilités et ouvre la possibilité de donner application du droit d’auteur en prenant en compte d’autres critères que l’existence d’un « public nouveau » ou non. Elle tient désormais compte :

  1. du but lucratif ou non du lien et
  2. de la connaissance raisonnable ou non du caractère illégal de la publication des oeuvres, laquelle pourra être présumée car la preuve sera difficile à rapporter.

Deux situations sont dès lors à considérer :

  • soit les liens sont fournis à titre lucratif et la connaissance du caractère illicite doit être présumée ce qui donnera prise au droit d’auteur et à l’application de l’article 3§1 de la directive 2001/29/CE.
  • soir les liens ne sont pas fournis à titre lucratif et la connaissance du caractère illicite ne pouvait pas être raisonnablement connue. Les conditions d’application de l’article 3§1 de la directive 2001/29 ne seront alors pas réunies et le droit d’auteur ne trouvera alors pas à s’appliquer.

La Cour de justice donne donc la possibilité de reconnaître un acte de contrefaçon dans la pose de certains liens. Les webmaster doivent donc être particulièrement vigilants. Cette décision, très attendue, confortera une partie de la doctrine, en particulier française, qui avait pu regretter la précédente décision rendue dans l’affaire Svensson, dans laquelle la Cour de justice avait écarté l’application du droit d’auteur et exclu de reconnaître une contrefaçon, en se fondant sur un critère non prévu par les textes « le public nouveau ».

Cette décision intéressera aussi la doctrine américaine, même si la question des liens hypertextes est prise en compte au travers du régime d’exception du « fair use ».

Rappelons enfin que la directive 2001/29/CE est en cours de réforme et qu’il est en particulier question de revoir le régime d’exceptions. Il n’est pas sûr que les nouveaux critères ainsi dégagés par la CJUE influence le législateur de l’UE mais il faudra suivre cette évolution.

Ce contenu a été mis à jour le 9 septembre 2016 à 10 h 02 min.

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